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AU SPITZBERG.

racines profondes ; ils étendent autour d’eux leurs branches noires dépouillées et affreuses comme des bras de squelettes échappés de l’enfer ; d’autres, rongés d’un côté par la flamme, ont encore des branches vivantes qui prospèrent et verdissent sur un tronc à moitié calciné, le sol est jonché de branches charbonnées et de débris, au milieu desquels une nouvelle végétation s’élève pleine de sève et de force, nourrie par l’excitant engrais des cendres refroidies. Le vert éclatant des jeunes arbres, poussant dans ces brasiers éteints, offre au regard le contraste le plus singulier. Comment de si formidables incendies peuvent-ils s’éteindre ? Question que je n’ai pu résoudre. Une négligence, un hasard les allume, et ils s’éteignent d’eux-mêmes quand ils ont encore des aliments autour d’eux ! On voit des arbres servant de limite au foyer incandescent ; leurs branches roussies et desséchées sont mortes sans avoir été atteintes par la flamme. Qui a circonscrit le torrent dévastateur, qui a dit à ce feu : « Tu n’iras pas plus loin ? » Sans doute, celui qui le dit à l’Océan.

À cette extrémité de la Suède, le pays est triste et désert ; quelques arpents de terrain semé d’orge ou de seigle interrompent seulement la monotonie de l’éternelle foret de sapins ; les routes sont étroites, mais bonnes. La première ville que l’on traverse en allant de Torneä vers le sud est Calix, d’où je vous écrivis. Calix doit à la rareté des habitations dans la Suède septentrionale, d’être classé parmi les villes ; partout ailleurs, ce serait un simple bourg. La ville donc, puisque ville il y a, est une seule longue rue, non pavée, bordée de maisons basses peintes en