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VOYAGE D’UNE FEMME

la variété, les champs et les prairies viennent réjouir la vue du voyageur, la fumée des fermes s’aperçoit plus souvent, on commence à rencontrer des troupeaux de petites vaches, et de ces bons chevaux suédois qui, quoique nourris d’herbes vertes, sont plus courageux et plus forts que la plupart de nos chevaux gâtés. Dans toutes les villes, nous trouvions une auberge, et il nous est arrivé de ne pas y être traités comme chez certains paysans. Peut-être notre extérieur prévenait-il peu en notre faveur ; le fait est qu’étant réduits à aller jusqu’à Gèfle (prononcez Yèvle) avec notre défroque de Laponie, nous avions fort triste mine. Pour ma part, j’étais arrivée à un dénûment voisin de la misère : quelle singulière figure devais je avoir avec mes cheveux courts, et une casquette surmontant une robe recouverte par un paletot de caoutchouc ! Cet étrange assemblage devait me donner une physionomie de bohémienne et de mendiante ; heureusement, j’arrivais en voiture ; sans cela, on m’eût peut être refusé un lit dans les fermes.

À Sundswall, je trouvai aux rues et aux habitations un air de grande ville dont je fus intimidée, et je n’osai pas braver les regards dans non accoutrement habituel. Voulant cependant voir la ville, je me composai un costume comme je pus ; je revêtis mon unique robe, une robe de velours, belle, épaisse et soyeuse autrefois, mais alors brodée de reprises que je lui faisais chaque soir. Je n’avais pas de chapeau, et, pour comble d’infortune, après avoir fouillé tous les coins du sac de nuit qui me servait de malle depuis Kaafiord, je me trouvai trois gants de la même