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VOYAGE D’UNE FEMME

folle à la fois. Charles XII a été atteint en brave, au milieu du front ; son dernier regard à Frédéricshall fut, comme toujours, tourné vers l’ennemi. Près des dépouilles de ces soldats illustres, on voit une grande robe de soie de couleur foncée, qui a une déchirure près du cœur : c’est le domino de Gustave III. La déchirure a été faite par le poignard de l’assassin Enkastrom. Ainsi de suite. L’histoire elle-même passe sous vos yeux sous une forme vive et saisissante, qui éveille en foule les souvenirs et s’empare des émotions. Ces vêtements font l’effet de spectres, on regarde si un front pâle n’apparaît pas sous les chapeaux rabattus, si une main glacée ne soulève pas les plis roides des manteaux.

Les diadèmes, les colliers, les longues robes brodées d’or des reines, laissent une impression plus mélancolique. Quelle femme ont-elles parée ? À peine sait-on quelques noms ; toutes ces pompes ne rappellent rien. Pauvres femmes ! elles ont eu pourtant la jeunesse, la beauté, la royauté, triple couronne ; et on les ignore ? Oui. Elles n’avaient que ce qui passe !

Deux noms surnagent sur tout cet oubli : la grande Marguerite et la grande Christine ; le grand guerrier, le grand politique. Ô femmes ! aimez et soyez heureuses dans la vie, ou souffrez, travaillez et faites-vous grandes pour la mort.

Dans la dernière armoire, à moitié occupée, on voit resplendir la robe lamée et le manteau de velours semé d’étoiles portés le jour de son couronnement par Mlle Clary, reine de Suède, femme du roi Charles-Jean.