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AU SPITZBERG.

jeter un coup d’œil sur ses costumes pittoresques. Les femmes d’Ystad portent la longue robe de laine brune ou bleue, sur laquelle tranche un tablier de couleur très-vive ; le corsage de la robe est orné de plusieurs rangs de chaînes d’argent et de plaques d’argent incrustées de verroteries qui font un effet riche et joyeux ; leur coiffure est délicieuse : c’est une sorte de béret en étoffe de laine rouge vif, monté en éventail, posé sur le côté de la tête ; cela ajoute un piquant particulier à ces placides et roses visages suédois, et relève un peu la fadeur des cheveux d’or et des yeux où semble se refléter l’azur pâle du ciel du nord. Je suis descendue et me suis mêlée un moment à cette multitude animée, gaie comme une foule méridionale ; j’ai acheté à une belle baraque, qui brillait comme un maître-autel espagnol, une parure de Scanienne bien complète ; j’ai eu pour cinquante-quatre francs une croix grande comme ma main, un collier à six chaînes et une douzaine de grands boutons de corsage, le tout en filigrane d’argent orné de pierres fausses et fabriqué dans un goût naïf et original, qui fera un très-bon effet dans un bal costumé.

Il fallut partir ; le paquebot était prêt ; la vapeur grondait dans sa prison comme un monstre captif impatient de dévorer l’espace ; je m’embarquai, et en peu d’heures cette belle, poétique et hospitalière terre de Suède disparut à mes yeux. Cette courte traversée Ystad à Greiswal fut affreuse : la mer, tourmentée par le vent, nous secouait sur des vagues courtes et brusques, contre lesquelles la machine luttait en vain ; je ne puis vous dire à quel point le