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VOYAGE D’UNE FEMME

mal de mer m’accabla pendant seize heures, moi si bien aguerrie et qui avais si victorieusement résisté aux terribles caprices de l’océan Glacial, Peut-être étais-je à bout de forces ; le fait est que j’arrivai à Greiswald incapable de me tenir sur mes jambes, et je dus y garder le lit quarante-huit heures.

Greiswald est un petit port du Mecklembourg dont le commerce ne doit pas être fort actif, si j’en juge par son aspect paisible ; le plus beau de la ville est un magnifique jardin qui lui sert de promenade ; le reste se compose de rues régulières bordées de maisons blanches à contrevents verts, dont la physionomie prude, grave, roide et, comme on dit, tirée à quatre épingles, annonce le voisinage de la Prusse.

Un voiturier, possesseur d’une immense et détestable calèche, nous conduisit à petites journées de Greiswald à Berlin ; cette façon de voyager est, par un mauvais temps, le triomphe de l’ennui, surtout si on traverse un pays tel que ce côté de la Prusse. Figurez-vous la Beauce avec ses champs roux à perte de vue et ses longues lignes d’arbres bordant le pavé des routes ; de temps en temps cependant on trouve un village : alors c’est charmant. En Prusse, les chaumières ont toute la grâce, toutes les lignes rompues et harmonieuses qui manquent aux maisons ; les plus pauvres sont les plus jolies ; elles sont en torchis soutenues par des pans de bois qui forment des zigzags capricieux sur toutes les murailles ; leurs grands toits de chaume sont plus hauts qu’elles-mêmes et les encapuchonnent de façon pittoresque. Entrez-y et, grâce à quelque monnaie, vous y trouverez toujours d’excellent laitage, du gros bon pain