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VOYAGE D’UNE FEMME

un second coup d’œil ; l’heure pressait, il fallait retourner à Berlin, sous peine de manquer un dîner à l’ambassade de France. Je traversai donc en courant les délicieux jardins de Sans-Souci, encore beaux même sous le givre. J’entrevis, au jour tombant, les hautes statues qui ornent la cour d’honneur du grand château, et j’arrivai au chemin de fer… justement pour voir le panache blanc de la vapeur qui emportait le convoi. Vous dire notre désappointement est impossible ; vous le connaissez sans doute ; il se compliquait pour nous de l’inquiétude de passer pour grossièrement impolis. Il fallut se résigner : le railway met trente-six minutes pour faire les huit lieues qui séparent Potsdam de Berlin ; une voiture nous demandait cinquante francs et trois heures ; mieux valait attendre le convoi suivant : c’était deux heures qu’il fallait passer là. Je voulus les mettre à profit, et, malgré l’heure avancée, je me fis ouvrir l’église pour voir le tombeau du grand Frédéric. De l’église, je ne vous en dirai rien ; je l’ai traversée en suivant le pas hâté d’un sacristain malcontent d’avoir été dérangé au moment où il allait souper. J’ai donc entrevu l’édifice à la lueur tremblotante et douteuse d’un lumignon. Elle m’a semblé vaste et belle, elle a gagné sans doute à être vue ainsi : les églises protestantes sont si nues que l’ombre les pare.

Le tombeau du grand Frédéric répond bien à son cabinet : c’est un petit caveau ouvrant de plain-pied sur l’église par deux portes de fer ; le caveau est en bas, voûté, bien blanchi à la chaux, propre et balayé comme le fruitier d’une ménagère ; le cercueil,