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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG

y font leurs nids, le paysan voyageur y jette un regard et ne s’éloigne pas sans saluer cet asile de paix.

Le tombeau de Klosplock est très-simple : une figure de vierge d’une grâce sévère le surmonte, un grand tilleul le couvre de son ombre. C’est bien là que devait dormir, rêver peut-être, — ce poète de la mélancolie mystique.

Je suis restée une demi-heure à écouter en moi ce que me disait cette tombe, à goûter ce calme triste et doux qui me pénétrait ; puis j’ai cueilli un myosotis, la fleur du souvenir, et j’ai quitté Ottenzen, tout en songeant que j’aimerais un tombeau comme celui-là, enveloppé d’ombre, de parfums et de silence !

Après cette charmante excursion, je n’ai pas voulu me risquer de nouveau au milieu des colis hambourgeois, et je suis montée en voiture pour gagner Kiel. De Hambourg à Kiel je vis seulement de profondes ornières de sable jaune, où les chevaux avançaient lentement, car un brouillard humide et trouble jeta obstinément son voile gris entre moi et le paysage. J’eus quatorze heures pénibles à passer ainsi, d’autant que des marchands de Hambourg s’étaient de force emparés du fond de la voiture et refusèrent de me le rendre, malgré mon droit à l’occuper, prouvé par mon bulletin. On n’est pas encore si marchand que cela en France !

Kiel m’a paru laid, mal pavé, mal peuplé ; tout y a un air morne qui distille l’ennui ; les yeux y sont offusqués par l’horrible coiffure des femmes ; elles portent des chapeaux d’hommes, d’affreux chapeaux d’hommes français ! le détestable tuyau de poêle à