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VOYAGE D’UNE FEMME AU SPITZBERG.

petits bords et à haute forme !… Comme ce sont les femmes du peuple qui se montrent ainsi coiffées, les chapeaux sont vieux pour la plupart, conséquemment roux, ébouriffés, déformés, bons à mettre sur des cerisiers au mois de juin, pour effrayer les moineaux. J’ai eu hâte de changer cette perspective d’épouvantails pour d’autres horizons. J’ai demandé une voiture pour me promener au bord de la mer. Je fus bien dédommagée.

Les rives de la Baltique sont couvertes de bois magnifiques ; des chênes, des frênes, des charmes, des ormes, des hêtres de la plus superbe croissance descendent par de douces pentes jusqu’aux flots et mirent le vert éclatant de leur feuillage dans le vert indécis des vagues. Cette verdure du Danemark, nous n’en avons pas idée ; chaque feuille parait taillée dans une émeraude ; ce n’est ni le vert tendre et délicat du printemps, ni la couleur rousse un peu passée de l’automne : c’est le beau vert de l’été, franc, vigoureux, brillant, plein de séve, qui éblouit et ravit le regard.

Je ne revins à Kiel que pour m’embarquer sur un très-petit bateau à vapeur, le Frédéric IV, chargé du service de la poste entre Kiel et Copenhague. Au bout de deux heures, le vent commença à souffler dur et le mal de mer à sévir violemment dans les cabines. Je me réfugiai sur le pont, où je ne tardai pas à lier conversation avec deux bonnes marchandes allemandes qui, comme moi, avaient fui la contagion de la chambre des femmes. Lorsque nous passâmes devant l’île de Falster, une d’elles me dit qu’il se manifestait tous les ans un miracle dans l’une des petites paroisses de l’île. Une légende populaire a toujours le