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VOYAGE D’UNE FEMME

droit d’exciter ma curiosité. Je lui demandai des détails et devins attentive.

« Oui, Madame, reprit la conteuse, un miracle, et voici quelle est son origine :

« Il y a très-longtemps, une bourgeoise fort riche imagina de faire construire une église à ses frais. Lorsque l’église fut bâtie, elle ajouta à son œuvre pieuse le vœu insensé de désirer durer aussi longtemps que son monument. Dieu l’exauça. Plus de trois siècles se sont écoulés depuis cette époque, et la femme vit en effet toujours ; mais sa décrépitude est arrivée à un tel degré qu’elle ne voit plus, n’entend plus, ne remue plus, ne respire même plus. On l’a couchée dans un grand coffre de chêne auprès duquel un prêtre veille constamment. Chaque année, le jour anniversaire de la fondation de son église, un souffle de vie ranime cette perpétuelle moribonde, et elle reprend assez de force pour demander : « Mon église est-elle encore debout ? » Sur la réponse affirmative du prêtre, elle soupire tristement en disant : « Plût à Dieu qu’elle fût détruite de fond en comble ! je pourrais alors mourir… » Et elle retombe dans son immobilité.

« Voilà exactement comment la chose se passe, ajouta la bonne dame, et cela, je le sais de personnes dignes de foi.

— Comment, vous connaissez des personnes qui ont été témoins du fait ? dis-je fort intriguée.

— Oui, Madame.

— Et qui ont vu le miracle ?

— Pas tout à fait, mais qui ont vu le coffre de bois où est renfermée la femme, et qui ont eu les autres