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VOYAGE D’UNE FEMME

des lacs en miroirs étincelants : je suis restée en extase, adorant Dieu qui a fait la nature si belle ! À travers un tel pays, la route est, comme vous pensez, charmante, remplie d’incidents, de détours, de surprises ; on a rompu avec la monotonie suédoise, on traverse les cantons pittoresques de la Norwége, on approche des cantons sauvages.

Les chemins sont bordés de forêts vertes et épaisses, au milieu desquelles on entend l’amusant fracas de quantité de petits ruisseaux qui, par leur furie et leur bouillonnement, prennent des airs de torrents.

À Hund, où l’on couche le second jour, on commence à sentir les dernières ondulations des Dofrines (ou monts Kolen) ; on s’aperçoit du voisinage du Dovre-Field, le groupe le plus élevé des Dofrines ; on franchit une chaîne de petites montagnes formées de mamelons superposés. Lorsque je passai, les neiges des grands pics, fondues au premier soleil, remplissaient les hauts vallons, qui débordaient comme des coupes trop pleines et formaient des cascades coulant par larges nappes sans faire de ces bonds furieux, habituels aux cascades de la Suisse.

En Suède, il y a peu de villes ; en Norwége, il n’y en a pas du tout ; entre Christiania et Drontheim, on en trouve une seule, Lille-Hammer ; encore est-elle de construction si récente que la plupart des cartes ne l’indiquent pas. C’est, du reste, une affreuse petite ville, régulière, tirée au cordeau, froide et ennuyeuse, n’ayant plus de verdure et pas encore d’édifices ; c’est simplement un parallélogramme de quelques centaines de mètres, strictement rempli de ces tristes alvéoles carrées comme des boîtes où s’enferme une