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LETTRE III

DRONTHEIM


Quel saut, mon cher frère, de la salle de spectacle de Christiania à une étroite cabine à bord du bateau à vapeur le prince Gustave, de la douce musique d’Auber au bruit sourd des vagues, d’un bon fauteuil de velours à un cadre rudement secoué, de l’atmosphère tempérée du ciel de Christiania à la bise aiguë du golfe de Drontheim ! Plus j’avance et mieux je sens s’éloigner de moi le soleil et la civilisation, cet autre soleil.

En quittant Christiania pour s’enfoncer vers le nord, on traverse un des plus beaux pays du monde ; Sandwolden, où l’on couche, devrait être cité comme Interlaken ou Chamounix ; le village est blotti dans la verdure, au fond d’un vallon qui s’ouvre sur de grands lacs parsemés d’îles ; l’horizon est borné par d’assez hautes montagnes couvertes de sapins, dont la silhouette sombre se découpe nettement sur l’azur pâle du ciel. Cela forme un tableau d’une sérénité de lignes, d’un calme majestueux, indescriptible ; c’est un paysage de Suisse avec plus de verdure, un paysage d’Écosse avec plus de grandeur. Je suis partie de Sandwolden à l’aube ; lorsque je suis montée en voiture, le soleil se levait radieux et splendide derrière les montagnes, et changeait peu à peu le vert profond