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VOYAGE D’UNE FEMME

sionomie souffrante et sauvage ; je crus voir le gnome malfaisant de cette solitude. L’enfant regarda la calèche avec étonnement et méfiance ; il n’avait jamais vu de véhicule de cette forme, et il manifesta la plus grande répugnance à s’asseoir auprès du cocher sur ce siège raccommodé avec des cordes, dont la tournure n’était pas fort rassurante ; néanmoins il se décida, et, à peine installé, il se mit à exciter ses chevaux d’une voix aigre et énergique, qui les fit partir comme des flèches.

Notre bizarre petit postillon nous déposa au milieu d’une sorte de village composé de sept ou huit maisons soutenues en l’air comme par enchantement ; elles étaient élevées, aux quatre angles, sur des piliers de pierre, et le ciel, qu’on apercevait par échappées sous la base de ces habitations, produisait le plus singulier effet. Cet exhaussement fort bien entendu a pour objet de garantir les maisons contre l’amoncellement des neiges pendant l’hiver. Ce village, nommé Tofte, le seul que nous eussions rencontré depuis trois jours, est le but pieux des pérégrinations des habitants des gaards environnants, parce qu’il possède une église bâtie en bois, peinte en gris et surmontée de l’invariable clocher carré ayant forme de guérite. Autour de l’église, de grandes lames de pierre posées à terre indiquent les tombes d’un cimetière. Rien de plus morne que ce grand bâtiment disgracieux, ce sol aride, ces pierres grises, ce ciel de la même nuance, tout ce tableau de la même teinte froide et uniforme ; l’âme en emporte une impression profondément triste.

Ce hameau sert de confins aux chemins pratica-