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VOYAGE D’UNE FEMME

de point de ralliement aux rares voyageurs qui entreprennent l’ascension du Snähatten (chapeau de neige), un des pics les plus élevés du Dovre-Field. Les habitants de Jerking, à force d’industrie intelligente, ont parvenus à établir dans ce lieu privé de toute espèce de ressources un campement presque confortable ; leur petite colonie, séparée du reste du monde, a une physionomie laborieuse, active et heureuse, qui réjouit le voyageur attristé par les sombres aspects du pays environnant.

Un hasard malencontreux avait amené à Jerking, quelques heures avant nous, un pasteur protestant qui allait prendre possession d’une petite paroisse près de Drontheim ; ce pasteur était accompagné de sa famille, savoir : sa femme et onze enfants, dont les âges rapprochés rendaient difficile à comprendre leur commune origine, et dont les chevelures avaient comme pris à tâche de représenter toutes les nuances possibles du blond, en commençant par la filasse la plus argentée pour arriver à l’acajou le plus foncé. Cette nichée de têtes dorées avait envahi tous les oreillers de la maison, et la bonne hôtesse de Jerking eut grand peine à m’organiser un lit dans un cellier obscur. On put à peine m’y laisser quelques heures ; dès que le repos eut calmé ma fièvre de fatigue, il fallut repartir. Je me levai encore très-endolorie, et, tandis qu’on attelait, je visitai le gaard ; j’arrivai ainsi dans une grande pièce, garde-robe commune à tous les habitants. Dans cette espèce de friperie, où les bas s’alignaient près des chapeaux, où les culottes se mêlaient aux robes, le tout étendu sur des cordes se croisant en tous sens, je fis choix de deux costumes