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PARENTS
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La fête que doit être le repas en famille.

Contre le mutisme familial que j’appelle le mur entre les êtres, je dirai que la famille deviendrait une fête si tous s’attendaient à table pour se faire justice de paroles ; d’abord au chef en pénétrant dans son effort de ce jour-là pour tous, dans sa conquête pied à pied de leur bien-être.

Quel poids on enlèverait des épaules du père s’il voyait les siens participer à son combat de chaque jour ! Et après lui, en souriant à la mère pour ses gâteries de plus en plus difficiles et fatigantes à assurer. Ne manquons pas d’intéresser les autres aux mésaventures d’école, aux succès, aux rancunes des enfants. Montrons-leur combien l’injustice, l’obstacle même nous servent et nous fondent, et comme tout ennui, tout malheur même contient sa somme de bienfaits.

Exemple : si Machiavel n’avait pas été mis en disgrâce par la République de Florence au village sinistre de Sant-Andrea, jamais dans le tracas des affaires, à son poste de diplomate et de puissance grise auprès des souverains, il n’aurait écrit Le Prince qui l’a rendu immortel « en traçant aux États leur leçon »[1].

Et ne négligeons pas à table les récréations d’esprit et le bondissement chaud de la joie d’être ensemble.

  1. Voir Machiavel dans Le Souffleur de bulles, portrait en vers, par Alfred Mortier ; puis Machiavel, Pages choisies, par A. Mortier, avec biographies et Machiavel, pièce d’A. Mortier (1931).