Page:Aurel - Le nouvel art d'aimer, 1941.djvu/13

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE NOUVEL ART D’AIMER
7

Et quel honneur pour le couple, je dirai même quelle gloire de porter sur ses épaules, après l’échec, la renaissance d’un grand peuple !

Donc on ne mène rien à bien sans l’enthousiasme. Sans lui notre échine ne se redresse pas. Sans lui le bel esquif qu’est l’homme n’a pas le vent dans sa voile.

Orienter les amants vers le sacré de l’union, c’est-à-dire vers le bonheur, celui qui fait l’élan vital, c’est donc simplement en faire tout un homme animal et psychologique.

Mais qu’on n’aille pas croire — le beau est toujours sévère[1] — que dans cette marche au bonheur, nous écartons la jouissance. Rien de grand ne l’écarte ; au contraire, nous lui rendons ses ailes au lieu de la laisser vautrée à terre. Nous la laissons à sa place au lieu de la faire empiéter sinistrement comme on l’a fait depuis trente ans par le livre et par la scène.

Disons donc tout de suite : Qui n’aime ici-bas que son conjoint sans aimer ce qu’il peut devenir par nous — et qui n’aime pas ceux qu’il pourra faire devenir — n’a jamais rien aimé. C’est l’égoïsme à deux qui ne peut que doubler en horreur l’égoïsme à un. Il ne rompt pas même la solitude de l’âme. On ne la rompt qu’en épousant avec l’élu le jour du mariage, le destin de sa race et de tous ceux qu’on pourra lui gagner par le courage et le génie.

  1. de Bonald.