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LE NOUVEL ART D’AIMER

Après Lamartine, Vigny, Musset,
Leconte de Lisle, Villiers de l’Isle-Adam, le Verlaine de Sagesse et des Fêtes galantes, ne rayons pas ceux de notre génération selon l’usage des aveugles, car les nôtres ont eu notre confidence. Ils nous ont hérités. Ils nous ont imprégnés. Ils sont notre substance. Ils sont notre durée comme notre allégresse. Il faut lire nos poètes ou vieillir.


Entre tous les poètes lyriques,
loin de ceux du fin du fin, des précieux comme des excentriques, loin de ceux qui ont désarticulé, énervé, efféminé le svelte, mâle et grand langage français, comme fit Valéry en poésie[1], lui si parfait dans sa critique ; loin des paroxystes dont il ne faut retenir comme inspirée qu’Anna de Noailles, mais nul de ses suiveurs, loin voluptuosistes en somme qui sont le ver rongeur de la valeur, lisons pour la sûreté

de leur art, de leur inspiration et de leur caractère, lisons ceux-ci qui peuvent nous bâtir solidement sur ce fond de grandeur limpide, naïvement et spécifiquement

française : Claudel, Péguy, esprits religieux ; Alfred Mortier (classicisme ailé), Vaine aventure, Temple sans Idoles, Souffleur de bulles, frisson nouveau d’intelligence dans l’amour et l’honneur ; René Fauchois (Délices des mourants), familial et d’inspiration terrienne ; Gasquet ; Rolmer (Chants perdus) ; Xavier de Magallon quoique éloquent et visuel, mais superbe dans sa réponse à Anna de Noailles en 1917 (Pléiade) ; Sébastien-Charles Leconte (Ten-
  1. En imitation de Mallarmé, de sa manie anglaise, lui qui disait : « Mieux doué j’aurais été plus loin. »