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LE NOUVEL ART D’AIMER

Toi le plus fort gouverne ton humeur.

Le peintre V… était excellent comme on dit ; mais dehors avec les étrangers. Au logis, il criait sans cesse et sa femme portait tout.

Elle avait pu l’entendre crier vingt ans : elle était douce, patiente, mais la santé baissant, elle n’en pouvait plus. Il lui avait ôté le goût de vivre avec ses explosions.

Un soir en rentrant, il cria. Rien de plus qu’hier, rien de moins. Il faisait payer à la pauvre bougresse ses déboires d’artiste.

Elle passa dans la cuisine et s’égorgea. Depuis il se frappe la poitrine. Elle avait pu l’entendre crier vingt ans, pas vingt et un. Elle n’en avait plus la force.

Mais cette femme est morte
par bêtise, par faiblesse de vaincue, timidité congénitale. Si au lieu de faire un bourreau de son mari en l’endurant, elle s’était dressée à temps, aux premiers jours du mariage où il cria, si elle avait dit : « Tais-toi ou je m’en vais », ou même ce soir si elle avait dit : « Tais-toi ou je me tue » il était bon, il se serait calmé et elle lui aurait rendu un grand service. Elle l’avait laissé devenir le maniaque du cri. Apprenons la parole répressive[1].

Nos hommes restent peu ou prou nos nourrissons. Peu d’entre eux sont vivables sans être modelés ; mais nous le leur devons et les passives ne méritent pas de vivre[2].

  1. Voir l’exemple complet dans L’Art de joie par Aurel.
  2. Il faut à la femme une combativité forcenée pour sauver seulement la vie.