Page:Austen - Emma.djvu/279

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— Non ; mais ce sont des souvenirs auxquels je tenais beaucoup.

Henriette dénoua la faveur, déplia l’enveloppe : sous une épaisse couche de papier d’argent, était placée une jolie petite boîte, en bois, dont l’intérieur était doublé d’ouate ; à l’intérieur il y avait un petit morceau de taffetas d’Angleterre.

— Maintenant, dit Henriette, vous devez vous rappeler ?

— Mais non !

— Est-ce possible ! La scène s’est pourtant passée dans ce salon quelques jours avant ma maladie, précisément la veille de l’arrivée de M. John Knightley : M. Elton se coupa le doigt avec votre canif ; n’ayant pas de sparadrap, vous m’aviez priée de donner le mien : j’en coupai un morceau, mais il ne put utiliser le tout et me rendit le petit bout que vous voyez là : je l’ai conservé comme une relique.

— Ma chère Henriette, dit Emma en se cachant la figure avec ses mains, combien je me sens honteuse ! Hélas ! je ne me rappelle que trop maintenant ! J’avais pendant ce temps mon étui dans ma poche !

— Vraiment ! Vous aviez du taffetas à portée ? Je ne l’aurais jamais soupçonné ; vous vous êtes exprimée avec tant de naturel ! Voici, ajouta Henriette en prenant la boîte, un objet qui avait encore plus de valeur à mes yeux ; c’est un crayon lui ayant appartenu ; un matin, environ huit jours avant le dîner chez les Weston, M. Elton voulut inscrire une adresse sur son calepin et eut recours à votre porte-mine, après avoir constaté que son crayon était usé ; il posa ce dernier sur la table et l’y laissa ; je ne le perdis pas des yeux et, sitôt que j’en eus l’occasion, je m’en emparai.

— J’ai, en effet, gardé le souvenir d’un renseignement consigné par écrit. Continuez.

— C’est tout. Je n’ai plus rien à vous montrer ou à vous dire, et je vais jeter tout cela dans le feu. Je sais combien j’ai eu tort de conserver