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d’aucune façon de M. Martin. J’ai maintenant un goût plus raffiné et je ne mérite pas ce soupçon.
Puis Henriette fit appel à sa « chère Mlle Woodhouse » et lui demanda si elle ne jugeait pas qu’elle avait de bonnes raisons d’espérer.
— Au début, continua-t-elle, je n’aurais pas eu la présomption de penser qu’un pareil bonheur fût possible, mais maintenant je ne me sens pas indigne de lui.
Emma fut obligé de faire un effort considérable pour garder son sang-froid et elle répondit :
— Je puis vous dire une chose, Henriette : M. Knightley est la dernière personne sur la terre qui laisserait volontairement supposer à une femme qu’il a pour elle de l’affection si tel n’était pas le cas.
Henriette se sentit pleine de vénération pour son amie en entendant un commentaire si encourageant, et Emma n’échappa aux manifestations de tendresse et de reconnaissance que grâce à l’arrivée de M. Woodhouse. Ce dernier rentrait et s’était arrêté un instant dans l’antichambre. Henriette était très agitée ; craignant de ne pouvoir retrouver son aisance habituelle et d’inquiéter M. Woodhouse, elle prit le parti de s’en aller et sortit par une autre porte. Emma ne la retint pas et, restée seule, ne put s’empêcher de s’écrier : Quelle fatalité de l’avoir rencontrée !
Le reste de la journée, et la nuit suivante, Emma s’abandonna à ses réflexions. Tout ce qu’elle venait d’apprendre provoquait une grande confusion dans son esprit. Chaque moment avait amené une nouvelle surprise et chaque surprise était une nouvelle humiliation. Elle s’asseyait, marchait, montait dans sa chambre, se promenait dans le parc, et ne trouvait de repos nulle part. Elle s’efforçait de voir clair dans son propre cœur. Depuis combien de temps M. Knightley lui était-il si cher ? À quelle époque son influence avait-elle commencé ? Était-ce au moment où Frank Churchill avait cessé de l’intéresser ; en se rappelant le passé, il lui apparut qu’elle n’avait jamais cessé de considérer M. Knightley comme de beaucoup supérieur : son engouement