portance
sociale ; bien peu de femmes mariées sont aussi maîtresses dans leur intérieur que je le suis à Hartfield ; je ne puis espérer tenir ailleurs une place plus prépondérante ; suis-je sûre de trouver chez un autre homme une approbation aussi complète de tous mes actes que celle que je trouve chez mon père ?
— Sans doute. Mais, au bout du compte, vous finirez par être une vieille fille comme Mlle Bates !
— Voici une terrible évocation, Harriet, et si je croyais jamais ressembler à Mlle Bates, si je devais devenir si sotte, si satisfaite, si souriante, si bavarde, si peu distinguée, je prendrais un mari demain ! Mais je suis convaincue qu’il ne pourra jamais y avoir entre nous d’autre ressemblance que celle toute fortuite d’être restées célibataires.
— Et cependant vous serez une vieille fille, ce qui est épouvantable !
— Ne vous tourmentez pas, Harriet, je ne serai jamais une vieille fille pauvre ; et c’est la pauvreté seule qui rend méprisable aux yeux du public l’état de célibat ! Une femme seule avec un petit revenu est assez souvent ridicule ! Mais une femme seule nantie de bonnes rentes est toujours respectable et rien ne s’oppose à ce qu’elle soit aussi intelligente et aussi agréable que n’importe qui. Cette distinction n’est pas aussi injuste qu’elle paraît au premier abord, car un revenu mesquin contribue à rétrécir l’intelligence et à aigrir le caractère. Ce que je dis ne s’applique pas néanmoins à Mlle Bates, trop banale et trop sotte pour me plaire, mais dont le cœur est excellent : je crois vraiment que si elle ne possédait qu’un shilling elle en distribuerait la moitié.
— Mais que ferez-vous ? Comment emploierez-vous votre temps quand vous serez vieille ?