Page:Austen - La Famille Elliot T1.djvu/120

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gardée comme la souveraine de Kellinch-Hall, n’y ayant presque jamais éprouvé de chagrins, l’avait quitté sans verser une larme ; Alice, au contraire, oubliait tout ce qu’elle y avait souffert, tous les mépris dont on l’avait accablée : c’était là où elle était née, où elle avait reçu les soins et les caresses de sa bonne mère, où les cendres de cette mère chérie reposaient ; c’était là qu’elle avait connu l’amour, rêvé le bonheur, pleuré la perte de cette illusion, et trouvé une véritable amie. Tous ses sentimens, tous ses souvenirs se réveillèrent avec force. Elle ne pouvait penser à autre chose qu’au 29 septembre, jour de l’installation des nouveaux habitans ; elle n’en parlait point dans la crainte de ne trouver aucune sympathie dans le cœur de Maria ; mais ce fut cette dernière qui lui en parla la première, et dans le même sens, quoique moins exalté : ayant eu l’occasion de noter la date du mois, elle s’écria tout-à-coup : « Bon Dieu ! ma chère Alice, n’est-ce pas aujourd’hui 29, que les Croft entrent à Kellinch-Hall ? Je suis bien aise de n’y avoir pas pensé plus tôt ; quel mal cela aurait fait à mes pauvres nerfs, déjà si détraqués ! »

En effet, l’amiral et sa femme arrivèrent