Page:Austen - La Famille Elliot T1.djvu/158

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Le capitaine parut avoir une nuance d’embarras ; il ne répondit pas, mais bientôt après il vint se placer entre Henriette et Louisa, et reprit toute sa gaîté.

« Mais, capitaine, lui dit Louisa, ne fûtes-vous pas bien contrarié quand vous prîtes le commandement de l’Aspic, de voir qu’on ne vous avait donné qu’un vieux bâtiment ?

— Je le connaissais déjà, dit-il en souriant, et malgré sa vétusté, je ne l’en aimais pas moins ; j’aurais fait le tour du monde avec cette chère frégate ; elle me portait bonheur : je n’ai pas eu deux jours d’orage pendant que je l’ai montée : nous avons fait ensemble d’assez bonnes captures. J’eus le bonheur, en revenant en Angleterre, de rencontrer une frégate française dont j’avais envie, et de la prendre ; je l’amenai à Plymouth, et là j’eus une autre chance heureuse : nous n’avions pas été six heures dans le port, qu’il s’éleva un vent assez fort, qui souffla quatre jours et quatre nuits, et qui aurait mis en poussière ma pauvre vieille Aspic, si nous avions été au large. Notre rencontre avec la grande nation ne l’avait pas améliorée ; vingt-quatre heures plus tard, et j’aurais été le brave capitaine Wentworth dans quelque coin d’un journal, perdu