Page:Austen - La Famille Elliot T1.djvu/165

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« Ce n’était pas le vaisseau qui vous plaisait, reprit son frère, c’était d’y être avec votre mari ; avec lui, rien ne vous manque ; d’ailleurs, mistriss Croft, vous étiez la seule femme à bord. Un capitaine peut avoir son épouse, si elle l’aime assez pour le suivre et tout supporter avec lui ; mais il y en a peu comme vous, chère Sophie.

— Je me rappelle pourtant, dit mistriss Croft, que vous avez une fois amené de Portsmouth à Plimouth, sur votre bord, madame Harville, sa sœur, sa cousine et trois enfans ; était-ce par cet esprit de galanterie exquise qui vous empêche d’avoir des femmes ?

— Non, mais c’était de l’amitié et le désir de rendre service à l’épouse d’un ami, d’un camarade ; j’aurais amené du bout du monde et mon cher Harville, et ce qui pouvait lui plaire. Vous n’imaginez pas sans doute que pour moi ce fût sans inconvénient ; un tel nombre de femmes et d’enfans encombrent le tillac ; on craint pour eux ce qu’on ne craint pas pour soi-même : non, point de femmes sur un vaisseau, que celle qui ne craint pas d’y être seule de son sexe, et de partager les dangers de son mari, et, je le répète, il n’y en a pas beaucoup qui vous ressemblent.