Page:Austen - La Famille Elliot T2.djvu/81

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souvent ses récits peignent des sentimens contraires : ceux dont vous parlez sont malheureusement bien rares. L’espèce humaine peut, il est vrai, se montrer grande quand elle approche ou qu’elle prévoit le moment suprême ; mais, en général, c’est plus sa faiblesse que sa force que l’on trouve dans une chambre de malade ; l’égoïsme, l’impatience et le murmure s’y rencontrent plus souvent que la générosité et le courage : le désespoir, la joie, ne sont trop ordinairement que de l’indifférence ou de l’hypocrisie. Il y a si peu d’amitié réelle ici-bas, et tant de gens oublient de penser aux souffrances quand ils jouissent de la santé ; et ne se rappellent que trop tard qu’ils sont mortels ! »

Sa voix avait baissé et trahissait son émotion. Alice sentit douloureusement ce qui dictait ces tristes réflexions à sa pauvre amie ; son mari n’avait pas été pour elle ce qu’elle avait espéré ; et il était mort des suites de son inconduite, après avoir entraîné sa femme dans des sociétés frivoles et vicieuses, qui lui avaient donné cette mauvaise opinion du monde et des hommes. Mais elle se remit bientôt, et, bannissant ses tristes souvenirs, elle parla à miss Elliot avec plus de calme.