Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/4

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Les intrigues sont simples, quoique nourries d’incidents multiples et variés. Contemporaine des débuts du romantisme, Jane Austen y est restée à peu près étrangère. Elle ne se complaît pas dans la peinture des situations tragiques ni des passions violentes. Observatrice avant tout, elle cherche seulement dans l’intrigue l’occasion de provoquer le jeu des sentiments, de mettre en lumière l’évolution des principaux caractères, et de marquer les traits saillants des autres. C’est par là que ses personnages de premier plan attirent, intéressent et captivent le lecteur. Elle pousse le dédain du pittoresque jusqu’à ne pas nous faire connaître leur aspect physique, mais elle arrive si bien à nous les représenter « du dedans » qu’ils vivent vraiment sous nos yeux. Ses héroïnes ne se montrent ni très sentimentales, ni très passionnées, mais elles ont bien du charme. Leurs natures sont très différentes : Anne Elliot, plus tendre et un peu secrète, Elinor Dashwood, raisonnable et mesurée, Emma Woodhouse, pleine de confiance en elle-même, désireuse de mener à son idée, et pour le plus grand bien de tous, le petit monde qui l’entoure ; Elizabeth Bennet, spontanée, spirituelle et gaie, portant partout sa franchise et son indépendance de jugement. Chacune a ses qualités, ses défauts, ses erreurs d’appréciation, ses préventions. Ce qu’elles ont de commun entre elles, c’est une intelligence fine, pénétrante, et une certaine maturité d’esprit qui donne de la valeur à toutes leurs réflexions.

Miss Austen n’a pas moins soigné ses personnages secondaires, et nombreux parmi eux sont ceux qui ont excité sa verve et son sens aigu du ridicule : bourgeoises vulgaires, mères enragées de marier leurs filles, dames de petite noblesse gonflées de leur importance et flattées lourdement par leurs protégés, « ba-