Page:Austen - Les Cinq filles de Mrs Bennet.djvu/50

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tage si en une telle occasion je refusais tout net, sautais à cheval et m’éloignais à bride abattue !

— Mr. Darcy estime donc que votre entêtement à exécuter votre décision rachèterait la légèreté avec laquelle vous l’auriez prise ?

— J’avoue qu’il m’est difficile de vous dire au juste ce qu’il pense : je lui passe la parole.

— Vous me donnez à défendre une opinion que vous m’attribuez tout à fait gratuitement ! Admettons cependant le cas en question : rappelez-vous, miss Bennet, que l’ami qui cherche à le retenir ne lui offre aucune raison pour le décider à rester.

— Alors, céder aimablement à la requête d’un ami n’est pas un mérite, à vos yeux ?

— Non. Céder sans raison ne me paraît être honorable ni pour l’un, ni pour l’autre.

— Il me semble, Mr. Darcy, que vous comptez pour rien le pouvoir de l’affection. On cède souvent à une demande par pure amitié sans avoir besoin d’y être décidé par des motifs ou des raisonnements. Laissons pour l’instant jusqu’à ce qu’il se présente le cas que vous avez imaginé pour Mr. Bingley. D’une façon générale, si quelqu’un sollicite un ami de modifier une résolution, d’ailleurs peu importante, blâmerez-vous ce dernier d’y consentir sans attendre qu’on lui donne des arguments capables de le persuader ?

— Avant de pousser plus loin ce débat, ne conviendrait-il pas de préciser l’importance de la question, aussi bien que le degré d’intimité des deux amis ?

— Alors, interrompit Bingley, n’oublions aucune des données du problème, y compris la taille et le poids des personnages, ce qui compte plus que vous ne croyez, miss Bennet. Je vous assure que si Darcy n’était pas un gaillard si grand et si vigoureux je ne lui témoignerais pas moitié autant de déférence. Vous ne pouvez vous imaginer la crainte qu’il m’inspire parfois ; chez lui, en particulier, le dimanche soir, lorsqu’il n’a rien à faire.