Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/104

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ignorance sur ses liaisons avec la famille de Brough, doit me servir d’excuse.

— Vous n’allez pas vous présenter vous-même à M. Darcy ? [1]

— Pourquoi pas ; je le crois propre neveu de lady Catherine, et je pourrai l’assurer que cette noble dame se portait bien avant-hier au soir. »

Élisabeth s’efforça de le faire renoncer à cette résolution, l’assurant que de la part d’un homme qui n’avait point encore été présenté à M. Darcy, cette démarche lui paraîtrait plutôt une familiarité déplacée, qu’un hommage rendu à sa tante ; qu’il n’était nullement nécessaire qu’ils fissent connaissance, et que de toute manière, M. Darcy par son rang se trouvait obligé de faire les premières avances.

M. Colins l’écouta d’un air fort tranquille, et dès qu’elle eut cessé de parler, lui dit :

« Je suis persuadé, mon aimable cousine, que personne mieux que vous ne sait juger les choses à votre portée ; toutefois permettez-moi de vous faire observer que mon état m’élevant au rang des premiers dignitaires du royaume, je crois, tout en conservant des manières humbles, pouvoir dédaigner les usages établis pour les laïcs, je vous prie donc de ne vous point offenser si je néglige vos avis pour n’écouter que la voix de ma conscience elle m’engage à offrir mon hommage au parent de ma noble patronne… Croyez, belle Élisabeth, qu’en tout autre moment, votre désir sera ma loi, mais cette circonstance est trop grave pour qu’une jeune demoiselle en puisse juger comme moi, accoutumé par une éducation solide et des études profondes aux réflexions les plus sérieuses. » Et la saluant respectueusement, il la quitta

  1. Il n’est point d’usage, dans un bal ou autre lieu semblable, de parler à quelqu’un qu’on ne connaît point, à moins de lui avoir été présenté, surtout si cette personne est d’un rang supérieur au vôtre : cet usage cependant se perd tous les jours.