Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/108

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donner tout notre temps à la musique, car nous avons beaucoup d’autres occupations au moins aussi utiles. Le ministre d’une paroisse a plus d’une chose à faire ; d’abord il doit régler les dîmes d’une manière avantageuse pour lui, et qui ne puisse porter préjudice à son patron : il doit écrire ses propres sermons, et le temps qui lui reste suffit à peine pour remplir ses devoirs d’église, et veiller aux embellissements de sa maison, qu’il serait inexcusable de ne pas rendre aussi agréable que possible. Il est aussi fort important pour lui de conserver avec tout le monde des manières aimables et conciliantes, mais surtout avec ceux de qui il tient son bénéfice ; c’est, selon moi, le premier de ses devoirs, et je ne saurais estimer un homme qui négligerait la moindre occasion de témoigner son respect aux personnes appartenant à la famille de son protecteur. »

Et avec une profonde révérence à M. Darcy, il termina ce discours, prononcé assez haut pour être entendu de la moitié du salon. Plusieurs personnes sourirent ; d’autres, d’un air surpris, regardaient l’orateur ; mais celui qui parut s’en divertir le plus, ce fut M. Bennet, tandis que sa femme félicitait avec complaisance M. Colins, d’avoir parlé si sensément, et à demi-voix faisait remarquer à lady Lucas qu’il était un très bon jeune homme et des plus savants.

Hélen, tout occupée des soins de Bingley, aperçut à peine ce qui se passait autour d’elle. La pauvre Élisabeth ne fut pas aussi heureuse ; il lui semblait que si ses parents se fussent entendus pour jouer durant cette soirée les rôles les plus ridicules, il leur eût été impossible de mieux réussir. Que ne souffrait-elle point de les voir ainsi s’exposer à la risée de la société ! Les dames Bingley, surtout, se livraient sans contrainte à leur humeur satirique, mais leurs saillies, quelque impertinentes qu’elles fussent, lui paraissaient pourtant moins insupportables que l’air de mépris et le silence de M. Darcy.

Le reste de la soirée n’offrit que peu d’agrément à Élisabeth, excédée des assiduités de M. Colins, qui ne pouvant la décider à danser avec lui, l’empêcha néanmoins d’accepter de plus aimables danseurs. En vain le conjurait-