Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/109

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elle de donner la main à quelque autre dame, s’offrant pour le présenter à celle dont il ferait choix. Il l’assura que, pour lui, la danse n’avait nul attrait ; que son seul désir était de chercher, par des attentions fines et des soins délicats, à mériter son cœur, et que, dans ce charmant projet, il se ferait un devoir de rester auprès d’elle pendant toute la soirée. Le moyen d’échapper à une telle résolution ! Elle fut un peu soulagée par son amie, Mlle Lucas, qui venant quelquefois les joindre, se chargeait complaisamment du soin d’entretenir M. Colins.

Du moins Élisabeth n’eut plus lieu de se plaindre des civilités de M. Darcy, car celui-ci, quoique souvent debout très près d’elle, ne chercha point à lui parler ; elle eut l’idée que les allusions faites par elle aux affaires de Wickham, pouvaient être cause de ce changement de conduite, et s’en réjouit.

Les habitants de Longbourn furent les derniers à se retirer ; une adroite manœuvre de Mme Bennet les ayant obligés d’attendre leur voiture un grand quart d’heure après le départ de toute la société, ils eurent le loisir d’observer le vif désir qu’on avait d’être débarrassé d’eux.

Mme Hurst et sa sœur n’ouvrirent la bouche que pour se plaindre de la fatigue ; tout le babil de Mme Bennet ne les put engager à prendre part à la conversation. Cette réserve y répandit un ennui presque général, que les longs discours de M. Colins n’étaient guère propres à dissiper. Celui-ci prodiguait aux maîtres de la maison force louanges sur l’élégance de leur bal, la beauté du souper, le choix des convives, et vantait surtout l’hospitalité, et la grâce avec lesquelles ils en avaient fait les honneurs. Darcy ne dit pas un seul mot. M. Bennet, également silencieux, s’amusait pour sa part de cette scène. Hélen et Bingley tous deux debout un peu à l’écart, s’entretenaient ensemble. Pour Élisabeth, elle sut, à l’exemple de Mme Hurst et de miss Bingley, garder un silence obstiné, et le babil même de Lydia se réduisit à ces mots : « Oh, que je suis lasse ! » accompagnés d’un long bâillement.