Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/112

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Élisabeth ne voulut pas désobéir à un tel ordre, et un moment de réflexion l’ayant persuadée, que le mieux serait de terminer promptement cette affaire, elle se rassit, et essaya par un grand air d’application à son ouvrage, de cacher un mélange d’embarras et d’envie de rire qu’elle éprouvait. Mme Bennet et Kitty s’étant retirées, il commença ainsi :

« Croyez, ma chère mademoiselle Élisabeth, que votre modestie, loin de vous nuire, ajoute un nouvel éclat à vos perfections ; sans cette légère résistance, vous seriez moins aimable à mes yeux ; mais permettez-moi de vous assurer que j’ai obtenu de votre respectable mère, l’autorisation de vous déclarer mes sentiments. Le but de mon discours doit vous être connu : cependant votre délicatesse naturelle pourrait vous engager à quelque dissimulation ; mes attentions pour vous ont été trop marquées pour pouvoir échapper à votre pénétration. Presque à mon entrée dans cette maison, je vous ai choisie pour ma compagne, mais avant de céder à l’impétuosité des sentiments que vous m’inspirez à si juste titre, je dois vous dire quelles sont les raisons qui m’engagent à me marier, et pourquoi je viens dans Hertfordshire chercher une femme. » Aux sentiments impétueux du grave M. Colins, Élisabeth fut si près d’éclater de rire, qu’elle n’osa entreprendre d’articuler un seul mot ; il continua donc ainsi : « Les raisons qui m’engagent à me marier sont, premièrement qu’un ministre aussi aisé que je le suis, doit à ses paroissiens l’exemple du mariage ; secondement que j’en attends une augmentation de mon bonheur ; ma troisième raison que peut-être je devais nommer la première, c’est que la noble dame, que j’ai l’honneur d’appeler ma patronne, me l’a fortement recommandé ; elle a daigné deux fois me donner à ce sujet ses avis, et la veille de mon départ d’Hunsford, avant de se mettre au jeu, comme Mme Jenkinson arrangeait le tabouret de Mlle de Brough ; elle me dit : « Monsieur Colins, il faut vous marier : un ecclésiastique, dans la situation où vous êtes, doit se marier, faites un choix, prenez une femme bien née, par rapport à moi et à vous ; que ce soit