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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/121

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M. Colins a demandé Lizzy en mariage, et Lizzy l’a refusé. »

Charlotte eut à peine le temps de répondre, avant l’arrivée de Kitty, qui lui vint conter la même nouvelle ; et comme elles entraient au salon, où se trouvait seule Mme Bennet, celle-ci entama un long discours sur le même sujet. Elle voulait exciter la compassion de Mlle Lucas, et la priait avec instance d’engager Lizzy son amie à se rendre aux vœux de toute sa famille. « Je vous en conjure, ma chère mademoiselle Lucas, ajouta-t-elle d’un ton mélancolique ; personne ne parle pour moi, on me traite indignement. Personne, non personne n’a pitié de mes pauvres nerfs ; je suis bien malheureuse. »

Charlotte voulait répondre et ne savait trop que dire, l’arrivée d’Hélen et d’Élisabeth la tira de peine.

« Tenez, la voyez-vous ? continua Mme Bennet, elle a l’air aussi gaie que de coutume ; peu lui importe si nous sommes tous dans l’affliction ; mais ce qui est certain, mademoiselle Lizzy, c’est que si vous voulez toujours refuser les partis qu’on vous propose, vous finirez par ne vous point marier, et après la mort de votre père, Dieu sait qui vous nourrira ! Quant à moi, je n’en aurai pas les moyens, je vous en avertis ; de ce jour-ci, vous ne m’êtes plus rien : j’ai juré, vous le savez, que de ma vie, je ne vous parlerais, et je tiens mon serment. Quel plaisir puis-je trouver à m’entretenir avec des enfants indociles ? Moi naturellement peu causeuse, je me soucie bien de conversation avec une santé comme la mienne ; soutenir un entretien, est quelque chose de bien pénible ; on ne sait pas ce que je souffre ; hélas ! pour être plaint, il faut se plaindre, et ce n’est pas ma coutume. »

Ses filles l’écoutaient en silence, aucune d’elles ne cherchait à l’interrompre, sachant par expérience que vouloir raisonner avec elle, ou s’efforcer de la consoler, c’eût été l’irriter davantage ; elle parla donc sans discontinuer, jusqu’au moment où M. Colins les vint joindre, et le voyant entrer, elle dit à ses enfants :

« Maintenant, mesdemoiselles, c’est à votre tour de vous taire ; qu’aucune de vous ne vienne m’interrompre,