Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/122

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je veux avoir avec monsieur un moment d’entretien »

Élisabeth se hâta de quitter l’appartement, elle fut suivie par Hélen et Kitty ; mais Lydia, loin d’imiter leur discrétion, paraissait décidée à tout écouter ; et Charlotte, d’abord retenue par M. Colins, qui, avec beaucoup de civilité s’informait de ses nouvelles, par un peu de curiosité, se contenta d’aller à la fenêtre et de feindre de ne pas entendre.

D’un accent plaintif Mme Bennet commença ainsi l’entretien annoncé : « Oh ! monsieur Colins !

— Ma chère dame, gardons, je vous prie sur ce point un silence inviolable… Loin de moi, continua-t-il bientôt d’une voix altérée, toute idée de ressentiment ! Supporter avec résignation les contrariétés de la vie, c’est le devoir de l’homme, le devoir surtout d’un ecclésiastique comme moi qui, à l’âge où je suis, ai déjà obtenu un si notable avancement, et je crois être résigné. Peut-être le serais-je moins, si je n’avais quelques raisons de croire que ma belle cousine, en m’honorant de sa main, n’aurait pu me rendre vraiment heureux, car j’ai souvent fait cette remarque, madame, que la résignation n’est jamais plus facile, que quand le bien qui nous est refusé commence à perdre pour nous une partie de son prix ; ne croyez point, madame, que j’aie voulu manquer au respect, en renonçant comme je le fais à mademoiselle votre fille, sans vous avoir préalablement suppliée d’interposer votre autorité en ma faveur ; l’usage voulait, je crois, qu’au lieu d’accepter mon congé de la bouche de ma belle cousine, j’eusse attendu de le recevoir de vous ; mais après tout, nul homme n’est infaillible ; je vous puis assurer que mon intention était pure et, en désirant trouver à Longbourn une aimable compagne, j’ai bien moins consulté mon propre avantage que celui de votre famille. Si cependant mes démarches ont été le moins du monde répréhensibles, je vous en fais mille excuses. »