Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/128

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dit Élisabeth ; et si, après de mûres réflexions, vous pensez que le chagrin de désobliger ses sœurs ne soit pas compensé pour vous, par le bonheur d’être sa femme, je vous conseille sans contredit de le refuser. »

Un faible sourire parut sur les lèvres d’Hélen et elle répondit :

« Pourquoi me parler ainsi, vous devez savoir que, quelque pénible que soit pour moi l’idée de les affliger, je ne pourrais hésiter.

— Je n’ai pas cru que vous le voulussiez et, les choses étant ainsi, je ne vois pas que vous soyez fort à plaindre.

— Mais, s’il ne revenait point cet hiver, je n’aurais point de choix à faire, tant de choses se passent en six mois ! »

L’idée qu’il ne revînt plus, parut à Élisabeth tout à fait déraisonnable ; le moyen de croire qu’un jeune homme aussi indépendant que Bingley pût se laisser conduire par les vues intéressées d’une sœur ! Et elle pensa que Caroline n’avait parlé que d’après ses propres espérances.

Elle exprima à Hélen ses sentiments à ce sujet, et eut la joie de les lui voir partager. Hélen se laissa persuader que Bingley reviendrait à Netherfield répondre aux désirs de son cœur ; mais parfois, cette défiance si naturelle à qui aime bien, venait encore détruire cette douce espérance.

Il fut décidé qu’elles ne parleraient à leur mère que du départ de la famille, sans faire mention de ce qui avait rapport à Bingley. Cette nouvelle contraria fort Mme Bennet : « N’était-il pas malheureux que ces dames s’en allassent au moment où elles avaient tant de plaisir à se voir ? » Elle se consola cependant par l’idée que Bingley serait bientôt de retour, et que bientôt aussi il lui viendrait demander à dîner, et finit pas donner l’intéressante assurance que, encore qu’elle ne l’eût invité qu’à un simple dîner de famille, elle prendrait ses mesures pour le lui donner à deux services.