Aller au contenu

Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Je vous la dirai en peu de mots : Mlle Bingley sait fort bien que son frère vous aime, mais elle veut lui faire épouser Mlle Darcy ; elle l’a suivi à Londres afin de l’y retenir, et son but est de chercher à vous persuader qu’il n’a point d’amour pour vous. »

Hélen la regarde d’un air de doute.

« En vérité, Hélen, vous devriez me croire, les personnes qui vous ont vus ensemble ne sauraient douter de son attachement pour vous ; du moins Mlle Bingley ne le peut, elle n’est point si novice. Si M. Darcy lui eût rendu le quart des soins qu’a eus pour vous M. Bingley, elle aurait commandé sa robe de noces ; mais voici le fait : nous ne sommes pour eux ni assez riches, ni d’assez grands personnages, et elle désire d’autant plus obtenir Mlle Darcy pour son frère, qu’elle espère que cette première union entre les deux familles en pourra produire une seconde. Ce plan, je l’avoue, est assez ingénieux ; peut-être réussirait-elle si Mlle de Brough ne lui barrait le chemin ; mais, ma chère Hélen, pouvez-vous sérieusement penser que, parce que Mlle Bingley vous dit son frère assidu près de Mlle Darcy, il soit moins sensible à votre mérite qu’il ne l’était mardi dernier, lorsqu’il prit congé de vous, ou qu’elle lui puisse persuader que c’est de miss Darcy qu’il est amoureux, et non de vous.

— Si nous avions sur Mlle Bingley la même opinion, dit Hélen, votre manière de me représenter ceci calmerait mon inquiétude, mais vos soupçons sont injustes : Caroline n’est pas capable de tromper volontairement qui que ce soit ; et tout ce que je puis espérer en ce moment, c’est qu’elle s’abuse.

— À merveille ! vous ne sauriez avoir une idée plus heureuse ; puisque la mienne ne vous peut consoler, croyez pour votre repos qu’elle s’abuse : vous voilà quitte envers elle, et il ne faut plus vous affliger.

— Mais, ma chère Lizzy, supposons que tout aille selon nos désirs, puis-je vraiment être heureuse en épousant un homme contre le gré de ses sœurs et de ses amis ?

— À vous seule appartient de fixer ce point,