Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/143

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de changer le sens des mots principes et intégrité ni vous laisser vous persuader qu’un froid égoïsme soit de la prudence et l’insensibilité pour le danger un bonheur assuré.

— Vos épithètes sont trop fortes, répliqua Hélen, et j’espère que tôt ou tard vous en serez convaincue en les voyant heureux ensemble. Mais, parlons maintenant de cette autre circonstance, à laquelle vous avez fait allusion ; il me serait impossible de ne vous pas comprendre, mais je vous supplie, chère Lizzy, de ne me point donner le chagrin de vous voir le blâmer. Oh ! ne me dites pas qu’il a perdu votre estime, nous ne pouvons guère nous attendre qu’un jeune homme vif et enjoué soit toujours circonspect dans sa conduite ; notre vanité nous induit souvent en erreur : les femmes prennent trop facilement les soins de la galanterie pour ceux qu’inspire un sentiment plus réel.

— Et les hommes en usent avec elles de manière à le leur faire croire.

— S’ils le font à dessein, on ne saurait les justifier ; mais je suis loin de penser que cela arrive aussi souvent que bien des gens l’imaginent.

— Je ne pense pas, reprit Élisabeth, que M. Bingley ait agi à dessein, mais, sans avoir le projet de mal faire ou de se jouer du bonheur d’autrui, on peut causer bien des chagrins ; souvent il suffit pour cela d’une étourderie, ou même d’un manque de résolution.

— Vous persistez donc à croire qu’il se laisse conduire par ses sœurs ?

— Oui, ainsi que par son ami.

— Je ne le puis penser ; pourquoi voudraient-elles le contrarier ? Elle ne peuvent désirer que son bonheur et s’il m’aime, il ne peut être heureux qu’avec moi.

— Votre première supposition est fausse, il est fort possible que son bonheur ne soit point ce qui les occupe le plus. Elles peuvent lui désirer un rang élevé, une augmentation de fortune, et vouloir lui faire épouser une fille riche, qui ait des parents titrés, et dont la fierté soit égale à la leur.

— Oh ! certainement elles voudraient le marier à