Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/144

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Mlle Darcy, mais ce désir peut être fondé sur des motifs plus raisonnables. Elles étaient liées avec cette demoiselle longtemps avant de me connaître, est-il donc si surprenant qu’elles la préfèrent à moi ? Après tout, quels que soient leurs desseins, je ne puis croire qu’elles voulussent s’opposer à ceux de leur frère ; quelle sœur se croirait en droit de faire une pareille chose, sans avoir pour cela un motif bien puissant ? Si elles avaient cru qu’il m’aimât, elles n’auraient point essayé de nous séparer, et s’il m’eût réellement aimée, elles ne pourraient y réussir ; en supposant un tel attachement, vous les faites tous agir d’une manière dénaturée, et vous me rendez vraiment malheureuse. Ne m’affligez pas, chère Lizzy, par cette idée ; je ne rougis point de m’être abusée, ou du moins cette peine est légère, comparée à celle que j’éprouverais à penser mal de lui, ou de ses sœurs : laissez-moi prendre les choses du meilleur côté possible, en un mot de la manière la plus naturelle. »

Élisabeth ne put contrarier un tel désir, et depuis ce jour, le nom de M. Bingley fut rarement prononcé entre elles.

Mme Bennet continuait cependant à s’étonner et à murmurer de cette absence et, encore qu’il se passât à peine un jour qu’Élisabeth ne lui en expliquât la cause fort clairement, elle ne pouvait la considérer avec moins de perplexité ; sa fille cherchait à la convaincre de ce dont elle-même était loin d’être persuadée, que Bingley n’avait eu pour Hélen qu’une légère fantaisie, que l’absence lui avait bientôt fait oublier, mais bien que la possibilité de cette supposition fût admise pour le moment, elle se trouvait chaque jour obligée de répéter la même fable ; le principal motif de consolation qu’eût Mme Bennet, c’était l’espoir que Bingley reviendrait au moins à Netherlfield, dans le courant de l’été.

Cette affaire fut traitée par M. Bennet d’une manière bien différente : « Ainsi, Lizzy, dit-il un jour, votre sœur à ce que je vois, n’est pas heureuse dans ses amours. Eh bien ! je l’en félicite, car une demoiselle avant de se marier, aime bien à voir parfois ses espérances trompées ; cela