Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/156

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Londres ; d’après ce que m’a dit Caroline, je n’en puis douter et cependant la manière dont elle me parlait, me pourrait presque faire croire qu’elle cherche à se persuader, qu’il a des soins pour Mlle Darcy ; après tout, je n’y comprends rien. Si je ne craignais de juger témérairement, je serais tentée de dire qu’il y a dans tout cela une forte apparence de duplicité. Enfin il faut s’efforcer d’éloigner des réflexions si pénibles, et ne plus songer qu’à ce qui peut me rendre heureuse : votre amitié, chère sœur, et les bontés sans nombre de ma tante… Écrivez-moi au plus tôt. Mlle Bingley a voulu me faire entendre que son frère ne retournerait plus à Netherfield ; cela ne paraît pas certain, aussi vaut-il mieux n’en point parler. Je suis aise que vous receviez d’aussi bonnes nouvelles de vos amis de Hunsford ; allez les voir avec sir William et Maria, je ne doute point que vous ne vous y plaisiez beaucoup. »

Cette lettre causa quelque chagrin à Élisabeth, mais sa peine fut adoucie par l’idée qu’Hélen du moins ne serait plus dupe de Mlle Bingley. Tout espoir quant au frère était perdu, elle ne désirait même plus qu’Hélen le revît. Plus elle réfléchissait à cette affaire, plus son estime pour lui diminuait, et elle souhaita sincèrement, tant pour le repos d’Hélen que pour le punir, qu’il épousât au plus tôt la sœur de M. Darcy ; car jugeant cette demoiselle sur les rapports de Wickham, elle pensait que Bingley regretterait plus d’une fois la femme douce et aimable qu’il avait négligée pour elle.

Vers ce temps une lettre de Mme Gardener vint rappeler à Élisabeth sa promesse au sujet de M. Wickham. Il fallait y répondre, bien que les détails qu’Élisabeth eût à donner fussent plus agréables pour sa tante que pour elle-même. Wickham ne semblait plus penser à elle ; ses visites étaient rares, une autre était maintenant l’objet de ses soins ; tout cela intéressait encore assez Élisabeth pour y donner quelque attention, mais elle pouvait et le voir et l’écrire sans un vrai chagrin ; son cœur n’avait été que faiblement touché, et sa vanité était satisfaite, par la pensée que si la fortune l’eût permis, elle seule aurait été l’objet de son choix. Une