on n’a pas jugé cela nécessaire. Êtes-vous musicienne, mademoiselle Bennet ?
— Un peu.
— Eh bien ! quelque jour nous serons charmés de vous entendre, notre piano est délicieux, sans doute fort supérieur au… Vous l’essaierez, un de ces jours ; vos sœurs sont-elles musiciennes ?
— L’une d’elles joue du piano.
— Et pourquoi n’avoir pas toutes appris, cela eût été plus convenable. Les demoiselles Webb sont toutes trois musiciennes, leur père cependant n’est pas aussi riche que le vôtre. Dessinez-vous ?
— Non, madame.
— Quoi ! aucune de vous ?
— Non, madame.
— Cela est singulier ! mais peut-être n’avez-vous pas trouvé l’occasion d’apprendre ; votre mère aurait dû vous mener à Londres, tous les printemps [1] ; là du moins elle vous aurait pu donner de bons maîtres.
— Maman l’eût fait avec plaisir, mais mon père déteste la ville.
— Votre institutrice vous a-t-elle quittés ?
— Nous n’avons jamais eu d’institutrice.
— Point d’institutrice ! cela n’est pas possible, élever cinq filles chez soi sans institutrice, en vérité on ne le peut croire. Votre mère a dû vraiment mener une vie d’esclave. »
Élisabeth put à peine cacher un sourire, comme elle l’assurait que cela n’avait point été le cas.
— Mais qui donc a veillé à votre éducation, qui est-ce qui a dirigé vos études ? Sans une institutrice, vous avez dû être cruellement négligées.
— En comparaison de certaines familles, nous l’avons peut-être été, mais celles qui désiraient s’instruire en ont toujours eu le moyen ; on nous a encouragées à lire, et nous
- ↑ Le printemps est pour Londres ce que l’hiver est pour Paris, la saison des plaisirs, et celle où l’on y trouve les meilleurs artistes.