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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/182

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— Eh bien, vous l’allez apprendre ; et préparez-vous à ouïr des choses vraiment terribles… Il vous faut savoir que la première fois que je vis monsieur, c’était à un bal dans Herfordshire, et à ce bal il n’a dansé que deux contredanses ; je suis fâchée de vous affliger, mais la vérité doit être connue : il ne dansa donc que deux contredanses, quoique les hommes fussent rares, et que plus d’une demoiselle (à ma connaissance) fût assise faute de danseurs. Vous ne pouvez nier ce fait, monsieur Darcy ?

— Alors, je n’avais l’honneur de connaître aucune des dames de l’assemblée, excepté les deux avec lesquelles j’étais venu.

— Cela est vrai, et personne à un bal ne peut se faire présenter à une femme… Eh bien, colonel, que voulez-vous que je joue ? Mes doigts attendent vos ordres.

— Peut-être, dit Darcy, aurais-je mieux fait de me laisser présenter à l’une d’elles, mais je sais mal me rendre aimable auprès des gens que je ne connais point.

— Demanderai-je à votre cousin, dit Élisabeth, s’adressant toujours au colonel, pourquoi un homme d’esprit et d’éducation, accoutumé à vivre dans le grand monde ne se peut rendre aimable auprès des gens qu’il ne connaît point ?

— Je puis résoudre cette question, répondit Fitz-William, sans m’adresser à lui : c’est qu’il ne veut pas s’en donner la peine.

— Je ne possède pas le talent qu’ont quelques personnes, dit Darcy, de discourir facilement avec les gens qu’elles voient pour une première fois ; je ne saurais sitôt prendre le ton de leur conversation et paraître m’intéresser à ce qui les touche, ainsi que souvent je le vois faire.

— Mes doigts, dit Élisabeth, ne touchent point à cet instrument avec ce goût, cette légèreté que l’on admire dans le jeu de bien des femmes ; ils n’ont pas la même vivacité, et ne sauraient produire les mêmes sons, mais j’ai toujours pensé que cela était de ma faute, parce que je n’ai point voulu me donner la peine d’étudier. Je ne crois nullement que mes doigts soit moins capables que ceux de