Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/181

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de sa tante, et ne répondit rien. Le café pris, le colonel Fitz-William rappella à Élisabeth qu’elle lui avait promis de jouer du piano ; elle y consentit sans peine, et lui, prenant une chaise, se plaça à son côté. Lady Catherine, après avoir écouté un premier couplet, continua à parler à son autre neveu, lorsque celui-ci, se levant avec sa tranquillité ordinaire, la quitta pour aller se placer presque en face de la jolie musicienne. Élisabeth rougit comme il approchait et, peu d’instants après, ayant fini sa romance, elle se tourna vers lui et, d’un air malin, lui dit :

« Vous voulez m’intimider, monsieur Darcy, en venant m’écouter d’un air si grave, mais je ne veux point m’effrayer, bien que mademoiselle votre sœur soit une grande musicienne : je suis naturellement entêtée, et tous les efforts que l’on peut faire pour m’intimider, ne font au contraire qu’accroître mon courage.

— Je ne dirai point que vous vous trompez, répliqua-t-il, parce que vous ne pouviez réellement croire que j’eusse le désir de vous intimider : d’ailleurs, j’ai eu le plaisir de vous connaître assez longtemps pour savoir que parfois vous vous plaisez à professer des opinions qui, après tout, ne sont point les vôtres. »

Élisabeth se pâmait de rire à ce portrait d’elle-même, et dit au colonel Fitz-William : « Votre cousin vous donnera une jolie idée de moi, il vous apprendra à ne pas me croire : faut-il avoir du malheur pour rencontrer, dans un pays où j’espérais paraître avec quelque avantage, une personne si capable de me faire connaître ? En vérité, monsieur, ce n’est pas en user généreusement avec moi, que de dire tout ce que vous avez appris dans Herfordshire à mon désavantage, et permettez-moi aussi d’ajouter que cela est fort imprudent car vous m’engageriez peut-être à vous rendre la pareille, et alors il se pourrait dire de certaines choses qui étonneraient fort vos parents.

— Je ne vous crains pas, répondit-il en souriant.

— Oh ! je vous prie, s’écria Fitz-William, laissez-moi connaître vos sujets d’accusation, je serais aise de savoir comment il se conduit avec des étrangers.