Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/190

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dernière lettre d’Hélen, remarquant avec chagrin que son style était moins gai qu’autrefois, lorsque, au lieu d’être encore surprise par M. Darcy, elle vit en levant les yeux que le colonel Fitz-William venait à sa rencontre ; serrant aussitôt sa lettre, elle s’efforça de sourire et lui dit :

« Je croyais que vous ne vous promeniez jamais de ce côté-ci.

— Je viens de faire le tour du parc, ainsi que j’ai coutume de faire tous les ans et je comptais le finir par une visite au presbytère ; avez-vous dessein d’aller beaucoup plus loin ?

— Non j’allais retourner sur mes pas. »

Alors ils prirent ensemble le chemin du presbytère.

« Quittez-vous décidément Kent samedi prochain ? lui dit-elle.

— Oui, si Darcy ne diffère encore notre départ : je suis à ses ordres ; s’il veut partir, je suis prêt ; s’il reste, je resterai aussi.

— M. Darcy doit être bien aise que vous le laissiez ainsi agir à sa guise. Je ne connais personne qui semble goûter mieux que lui, le plaisir de faire sa propre volonté.

— Il est vrai ; aussi peut-il mieux qu’un autre se satisfaire ; il est riche, et beaucoup d’autres ne le sont pas. Je parle par expérience ; un fils cadet doit, vous le savez, s’accoutumer aux privations et à la dépendance.

— Selon moi, le fils cadet d’un comte ne les peut guère connaître… Allons, dites-moi sérieusement, avez-vous jamais connu les privations et la dépendance ? Quand le manque d’argent vous a-t-il empêché d’aller où bon vous semblait, ou de vous procurer quelque objet dont vous aviez fantaisie ?

— Ce sont là des questions bien directes, et peut-être ne puis-je dire que j’ai beaucoup souffert de ce côté-là, mais dans des matières plus importantes je puis souffrir du manque de fortune. Des fils cadets ne peuvent se marier par inclination.

— À moins que leur inclination ne les porte à épouser une femme riche, et je crois que cela arrive souvent.