Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/191

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— Notre manière de vivre nous rend dépendants ; il y a peu d’hommes de mon rang qui puissent se marier, sans avoir égard à la fortune. »

« Ce discours, pensa Élisabeth, s’adresse-t-il à moi ? » Cette idée la fit rougir, mais se remettant aussitôt, elle dit avec gaieté : « Et quel est le prix ordinaire du fils cadet d’un comte ? À moins que l’aîné ne soit d’une bien mauvaise santé, vous ne demanderiez pas, je présume, plus de cinquante mille livres sterling ? »

Il lui répondit sur le même ton, et cette conversation finit. Pour interrompre un silence, qui aurait pu donner lieu à Fitz-William de la croire mal satisfaite de ce qu’il venait de dire, elle reprit ainsi :

« Votre cousin, je pense, vous a amené ici avec lui, pour le plaisir d’avoir quelqu’un à sa disposition, je m’étonne qu’il ne se marie pas, afin de s’assurer cette jouissance, mais maintenant sa sœur peut-être lui suffit, comme elle ne dépend que de lui, il en peut faire ce qu’il veut.

— Non vraiment, dit Fitz-William, car il n’est point seul chargé de la tutelle de Miss Darcy ; je partage avec lui ce soin.

— Ah ! et comment vous en acquittez-vous ? Êtes-vous un tuteur bien sévère ? Votre pupille vous donne-t-elle beaucoup d’embarras ? Les jeunes personnes à son âge sont souvent difficiles à conduire, et si elle a du caractère de son frère, elle doit aimer à faire sa propre volonté. »

Comme elle parlait, Fitz-William la regardait attentivement, elle s’en aperçut ; et la manière dont il lui demanda pourquoi elle pensait que Mlle Darcy leur pouvait donner de l’inquiétude la convainquit que, sans le savoir, elle avait de quelque manière ou autre approché de la vérité. Elle répondit sur-le-champ :

« Oh ! ne vous effrayez point ; je n’ai jamais entendu mal parler d’elle, et je ne doute point qu’elle ne soit un modèle de douceur et de docilité ; elle est fort liée avec deux femmes de ma connaissance, Mme Hurst et sa sœur : je crois vous avoir ouï dire que vous les connaissiez.