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Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/205

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comparée. Mais j’espère dorénavant être exempt des reproches sévères que vous m’avez hier au soir si librement adressés, lorsque les détails de ma conduite et des motifs qui m’ont fait agir seront connus. Si dans l’explication que je me dois, je me trouve obligé de rappeler des sentiments qui vous peuvent offenser, je dirai seulement que j’en suis fâché ; il me faut obéir à la nécessité, et une plus longue apologie serait déplacée. Je n’avais point été longtemps dans Herfordshire, lorsque je m’aperçus que Bingley préférait votre sœur à toute autre femme de la société, et ce ne fut qu’au bal à Netherfield que je commençai à craindre, qu’il ne lui devînt sérieusement attaché. Je l’avais souvent vu amoureux ; mais à ce bal, je fus d’abord instruit par les plaisanteries de sir William Lucas, que les soins rendus par Bingley à votre sœur, avaient fait naître l’idée de leur mariage. Il en parlait comme d’une chose décidée, dont l’époque seule était incertaine ; dès ce moment j’observai attentivement la conduite de mon ami, et alors je m’aperçus que la préférence qu’il témoignait à Mlle Bennet, était bien plus réelle que je ne l’avais d’abord imaginé. Je voulus aussi étudier votre sœur ; son air, ses manières étaient aussi douces, aussi aimables, aussi séduisantes que jamais, mais rien en elle n’annonçait un attachement particulier et je demeurai convaincu, d’après mes observations durant cette soirée, qu’encore qu’elle reçût avec plaisir les soins de Bingley, elle ne cherchait point à se les attirer en partageant ses sentiments. Si vous ne vous êtes point abusée, j’ai été dans l’erreur et, le caractère de votre sœur vous étant connu mieux qu’à moi, cette dernière supposition est plus naturelle ; s’il en est ainsi, si vraiment par mon erreur, je lui ai causé de la peine, votre ressentiment contre moi n’est pas déraisonnable, mais je puis dire ici avec assurance, que la sérénité de votre sœur était telle, qu’elle eût persuadé à l’observateur le plus pénétrant que quelque aimable que fût son caractère, son cœur ne pouvait être facilement touché. Que je désirai la croire indifférente, est chose certaine, mais je me hasarderai aussi à dire, que mes opinions, dans quelque occasion que ce soit, ne sont point d’ordinaire