Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avaient une si malheureuse conformité avec l’histoire qu’il lui avait lui-même contée, ses sentiments furent vraiment bien pénibles : l’étonnement, la crainte, l’horreur même l’oppressaient ; elle s’efforçait de n’en rien croire, répétant avec indignation : « Cela est faux ! cela ne peut être ! oh, voilà la plus noire des calomnies ! » Et, quand elle eut fini la lettre, sans même avoir donné la moindre attention aux deux dernières pages, elle la ferma précipitamment, assurant que le contenu ne lui ferait nulle impression, et que jamais elle ne la relirait.

Dans cet état cruel de doute et d’inquiétude, l’esprit agité par mille pensées déchirantes, elle continua sa promenade ; mais le moyen d’en demeurer là ? À peine avait-elle fait quelques pas que la lettre était rouverte ; et cherchant autant qu’elle pût à reprendre sa tranquillité, elle commença la mortifiante lecture de tout ce qui concernait Wickham. Le récit de ses liaisons avec la famille de Pemberley était exactement ce qu’il lui avait lui-même appris, et les bontés de feu M. Darcy, bien qu’avant elle n’en connût point l’étendue, s’accordaient également avec ses propres dires. Jusqu’à ce moment chaque récit confirmait l’autre, mais quand elle en vint au testament, la différence était grande. Ce que Wickham lui avait dit touchant le bénéfice, était encore présent à sa mémoire et, se rappelant les mêmes paroles prononcées par lui, elle ne put s’empêcher de sentir que les rapports d’un côté ou de l’autre étaient absolument faux : pendant quelques instants, elle se flattait que son espoir ne serait point déçu, mais lorsqu’elle lut et relut, avec une extrême attention, les détails de l’entière résignation de tous droits à ce bénéfice faite volontairement par Wickham, qui en dédommagement avait reçu une somme aussi considérable que trois mille livres sterling, elle ne sut encore que penser. Elle interrompit sa lecture, et pesa chaque circonstance avec autant d’impartialité qu’il lui fût possible, mais sans succès. Des deux côtés il n’y avait que des paroles ; cependant, chaque ligne lui démontrait plus clairement, que cette affaire qu’elle croyait ne pouvoir être représentée de manière à rendre la conduite