Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/215

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d’ailleurs, pensait-elle, n’est-il pas évident que M. Darcy ne se serait point hasardé à faire une pareille proposition, s’il n’avait été sûr d’être appuyé par son cousin.

Elle se rappelait parfaitement la conversation entre elle et M. Wickham, lors de leur première entrevue chez Mme Philips, plusieurs des expressions de Wickham lui étaient encore présentes ; elle fut maintenant frappée de l’inconvenance d’un tel récit à une personne qui lui était étrangère, et s’étonna de ne s’en être pas aperçue plus tôt. Elle sentit le peu d’accord de ses discours avec sa conduite ; elle se ressouvenait qu’il s’était vanté de ne point craindre M. Darcy, que M. Darcy pouvait quitter Herford, mais que lui il y demeurerait. Cependant la semaine suivante, il évita d’aller au bal de Netherfield ; elle se rappelait aussi que tant que les habitants de ce château furent dans le pays, il n’avait raconté ses histoires qu’à elle seule, mais qu’aussitôt après leur départ, il en avait parlé à tout le monde, sans la moindre réserve, sans crainte de blesser la réputation de M. Darcy, bien qu’il lui eût dit à elle-même, que son respect pour la mémoire du père l’empêcherait toujours de faire connaître la conduite du fils.

Combien lui parut différent alors tout ce qui le regardait : les attentions par lui prodiguées à Mlle King, n’étaient sans doute dictées que par les vues les plus viles et les plus méprisables. La modicité de la dot de cette demoiselle n’était plus une preuve de la modération de Wickham, mais de son empressement à saisir n’importe quoi ; les soins qu’il lui avait rendus à elle-même, ne pouvaient plus avoir un but raisonnable ; il avait été ou trompé sur sa fortune, ou s’était plu par vanité à encourager la préférence qu’elle pensait lui avoir si indiscrètement montrée. Tout penchant pour lui, toute idée favorable s’affaiblissait de plus en plus, et pour l’entière justification de M. Darcy, elle se vit forcée de s’avouer, que lorsque M. Bingley avait été interrogé par Hélen à ce sujet, il avait assuré que la conduite de son ami, loin d’être blâmable, ne pouvait que lui faire honneur. Ses manières, il est vrai, étaient fières et désagréables, mais jamais elle n’avait rien aperçu en lui qui annonçât un homme