Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/221

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contre elle-même ; et le souvenir de la peine que devait lui avoir causée son refus, excitait dans son sein une vive compassion. L’attachement de Darcy pour elle lui inspirait de la reconnaissance, son caractère de l’estime, mais elle ne put ni se repentir de l’avoir refusé, ni éprouver le moindre désir de le revoir. Le souvenir de sa propre conduite était pour elle une source continuelle de regrets et de chagrins, et l’idée des malheureux défauts de ses parents accroissait encore sa peine ; elle n’y voyait même nul remède, son père se contentant d’en rire, sans chercher à réprimer la folle étourderie de ses filles cadettes, et sa mère, dont les manières étaient si loin d’être parfaites, ne pouvait apercevoir l’inconvenance de leur conduite. Souvent Élisabeth s’était jointe à Hélen pour représenter à leurs jeunes sœurs combien leur imprudence les exposait, mais, tant qu’elles seraient encouragées par leur mère, comment espérer les corriger ? Catherine, faible, susceptible, et entièrement gouvernée par Lydia, s’était toujours offensée de leur avis, et Lydia, entêtée et insouciante, daignait à peine les écouter. Non seulement elles étaient ignorantes et paresseuses, mais coquettes. Tant qu’il y aurait un officier à Meryton, elles le chercheraient, et tant que Meryton serait à un demi-mille de Longbourn, elles y passeraient tout leur temps.

L’inquiétude sur le compte d’Hélen était encore un autre sujet de chagrin, et l’explication de M. Darcy, en rendant à Bingley toute l’estime d’Élisabeth, lui fit sentir plus vivement la perte qu’Hélen avait faite. Maintenant il était prouvé que les sentiments de Bingley avaient toujours été sincères. Combien donc était pénible la pensée qu’Hélen avait été privée d’un établissement si avantageux, si honorable, par la folie et l’imprudence de sa propre famille !

Lorsque à ces souvenirs vint se joindre encore la connaissance du vrai caractère de Wickham, il est facile de croire qu’Élisabeth s’efforçait vainement de conserver même l’apparence de cette heureuse gaieté qui jusqu’à ce moment avait été si rarement altérée.

Leurs visites à Rosings furent, durant cette dernière semaine, aussi fréquentes qu’elles l’avaient été durant les