Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/242

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— Trois semaines.

— Et vous l’avez vu souvent ?

— Oui, presque tous les jours.

— Ses manières sont bien différentes de celles de son cousin.

— Oui, bien différentes, mais je trouve que M. Darcy gagne beaucoup à être connu.

— Vraiment ! s’écria Wickham, jetant sur Élisabeth un regard inquiet qui ne put échapper à celle-ci. Et pourrai-je vous demander… ? » Mais, se remettant, il continua d’un ton plus gai : « Si ce sont ses manières qui gagnent à être connues, a-t-il daigné en user envers vous avec un peu plus de civilité qu’il n’a coutume de le faire avec tout le monde ? Car je ne puis espérer, continua-t-il d’un air plus sérieux, que ses principes soient changés.

— Oh ! non, dit Élisabeth, ses principes sont, je le crois, ce qu’ils ont toujours été. »

Wickham ne sut trop s’il devait se réjouir de ces paroles, ou se méfier de leur sens. Il y avait dans le regard d’Élisabeth quelque chose qui l’inquiétait, et il l’écouta avec la plus vive agitation, tandis qu’elle continuait ainsi :

« Quand j’ai dit que M. Darcy gagnait à être connu, je n’ai point voulu faire entendre par là que ses principes ou ses manières se fussent perfectionnés, mais que, le connaissant mieux, on apprenait aussi à mieux définir son caractère. »

Le trouble de Wickham augmentait évidemment ; il garda quelque temps le silence, mais bientôt, quittant son air embarrassé, il se tourna vers elle, et de l’accent le plus doux, lui dit :

« Vous qui connaissez si bien mes sentiments à l’égard de M. Darcy, vous pouvez facilement comprendre combien je dois me réjouir en apprenant qu’il est assez sage pour chercher même à paraître homme de bien. Son orgueil ainsi dirigé peut être utile, sinon à lui-même, du moins aux autres, en l’empêchant de se livrer encore à cet esprit de haine et de vengeance, qui l’a conduit à me