Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/241

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car le voyage de Lydia à Brighton était tout ce qui pouvait la consoler de la mortifiante conviction que son mari ne comptait jamais y aller lui-même.

Mais elles ignoraient tout ce qui venait de se passer, et leurs transports de joie continuèrent, sans interruption, jusqu’au jour fixé pour le départ de Lydia.

Élisabeth devait alors voir Wickham pour la dernière fois. Elle l’avait quelquefois rencontré dans le monde depuis son retour : les moments les plus désagréables étaient passés, et tout intérêt pour lui à jamais détruit ; elle s’était même aperçue que cette douceur de manières qui d’abord l’avait charmée, n’était réellement que de l’affectation, et, dans la conduite qu’il tenait présentement avec elle, elle trouva un nouveau sujet de déplaisir, car le désir qu’il témoigna bientôt de lui renouveler les soins qui avaient marqué les premiers jours de leur liaison, ne pouvait, après ce qui s’était passé, que l’aigrir davantage. Elle perdit tout égard pour lui, en se voyant ainsi l’objet d’une galanterie si vaine et si frivole ; tandis qu’elle le repoussait avec fermeté, elle ne put qu’être vivement mortifiée, en songeant qu’il s’imaginait sans doute que, quel que fût le motif qui l’eût engagé à la négliger, il lui serait toujours facile, en revenant à elle, de flatter encore sa vanité, et de mériter son approbation.

La veille du départ du régiment, il dîna avec plusieurs officiers à Longbourn ; et Élisabeth était si peu disposée à se séparer de lui en bonne intelligence, que, lorsqu’il vint lui poser quelques questions sur la manière dont elle avait passé son temps dans Kent, elle lui parla du séjour qui y avaient fait le colonel Fitz-William et M. Darcy, et lui demanda aussi s’il connaissait le colonel.

Il parut surpris, mécontent, mais, se remettant aussitôt, il répondit qu’autrefois il l’avait beaucoup connu, ajoutant que c’était un aimable homme, et demanda à Élisabeth si elle l’avait trouvé tel. La réponse de celle-ci fut très favorable au colonel, et Wickham, quelques moments après, reprit d’un air indifférent :

« Combien de temps, me dites-vous, est-il resté à Rosings ?