Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/257

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lui remit sa lettre ! Elle ne savait qu’en penser, et y réfléchissait inutilement.

Ils venaient alors d’entrer dans une allée charmante, au bord de la rivière ; chaque pas leur découvrait une plus belle étendue des bois dont ils approchaient, mais quelque temps se passa avant qu’Élisabeth y pût donner la moindre attention. Et bien qu’elle répondît machinalement aux appels de son oncle et de sa tante, paraissant diriger les yeux sur les objets qu’ils lui indiquaient, elle n’en distinguait aucun ; ses pensées étaient toutes fixées sur un seul lieu du château de Pemberley, sur celui, quel qu’il fût, où M. Darcy se trouvait en ce moment : avec quelle ardeur ne désirait-elle pas savoir ce qui se passait alors dans son esprit…, ce qu’il pensait d’elle, et si malgré tout, elle lui était encore chère ! Peut-être ne lui avait-il adressé la parole avec tant de civilité, que parce qu’il se sentait à son aise ; cependant sa voix, son accent n’annonçaient point une parfaite tranquillité : s’il avait été satisfait ou mécontent de la revoir, c’est ce qu’elle ne pouvait deviner, mais il était évident qu’il ne l’avait point vue avec indifférence.

À la fin cependant, les remarques faites sur sa distraction par ses compagnons de voyage, la remirent un peu, ou du moins lui firent sentir la nécessité de paraître moins préoccupée.

Ils entrèrent alors dans les bois, et quittant la rivière, parcoururent des sites plus élevés. M. Gardener témoigna le désir de faire le tour du parc, mais le jardinier lui apprit, d’un air triomphant, qu’il avait dix milles de circonférence ; cela naturellement mit fin au projet, et ils continuèrent le circuit ordinaire, qui les ramena encore par une pente douce au bord de la rivière ; ils la traversèrent sur un pont de bois, dont la simplicité répondait aux sites environnants. Ce lieu était moins orné qu’aucun de ceux qu’ils eussent encore visités, et la vallée ici resserrée ne laissait de place que pour la rivière, et une allée fort étroite au milieu des grands et sombres bois qui la bordaient. Élisabeth désirait fort en visiter tous les détours, mais lorsqu’ils eurent traversé le pont, et remarqué la