Page:Austen - Orgueil et préjugé, 1966.djvu/279

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Cependant, cela ne parut point si extraordinaire à Kitty ; je suis vraiment bien chagrine. Un mariage si imprudent des deux côtés ! mais je veux espérer mieux, et croire qu’on avait jugé W… trop sévèrement. Il est sans doute étourdi, inconséquent, mais cette démarche, et cela nous doit quelque peu consoler, n’annonce point un mauvais cœur ; son choix du moins est désintéressé, car il ne saurait ignorer, que mon père ne peut rien donner à Lydia : notre pauvre mère est bien affligée ; mon père prend la chose plus tranquillement ; combien nous devons être satisfaites maintenant de ne les avoir point instruits de ce qui a été dit au sujet de Wickham. Il faut l’oublier nous-mêmes ; on croit qu’ils sont partis, le samedi vers minuit, mais on ne s’en est aperçu que le lendemain à l’heure du déjeuner, et un exprès nous fut aussitôt envoyé. Chère Lizzy ! ils ont dû passer à dix milles de Longbourn. Le colonel Forster arrive ici aujourd’hui ; Lydia a écrit un mot à Mme Forster, lui faisant part de ses intentions ; je me vois forcée de vous quitter, ma pauvre mère me fait appeler : adieu, je ne sais trop ce que j’écris. »

Sans se donner le temps de la réflexion, ne sachant même ce qu’elle éprouvait, Élisabeth en finissant cette lettre, ouvrit l’autre avec vivacité, et lut ce qui suit :

« Vous devez maintenant avoir reçu, ma chère sœur, la lettre que je vous écrivis, à la hâte, avant-hier matin ; j’espère que celle-ci sera un peu plus intelligible, mais bien que je ne sois point pressée par le temps, ma pauvre tête est si troublée que je ne puis répondre de m’expliquer fort nettement… Chère Lizzy ! je me vois encore obligée de vous apprendre une mauvaise nouvelle. Ô Dieu ! que ne puis-je vous la cacher ! mais cela est impossible ; quelque imprudent qu’eût été le mariage de notre pauvre Lydia avec M. Wicham, nous sommes forcés cependant de regretter à cette heure qu’il nit point eu lieu, car il n’y a que trop de raisons de craindre qu’ils ne soient point allés en Écosse. Le colonel Forster est arrivé ici hier matin, ayant quitté Brighton le jour précédent, quelques heures après l’exprès, quoique la lettre de Lydia à Mme Forster annonçât positivement